04/01/2021
Anticorps

L’oxaliplatine (OX) est une molécule fréquemment utilisée, en association avec d’autres spécialités, dans le traitement du cancer colorectal. Voici deux cas explorés au LBM de l’EFS Bretagne d’anémie hémolytique ou thrombopénie immunologiques liées à ce traitement.

Les anticorps médicament-dépendants

Thrombopénies immunologiques liées à des anticorps médicament-dépendants

Contexte : exploration, au laboratoire HLA-HPA de l’EFS de Rennes, d’une thrombopénie profonde chez un patient lors de son second cycle de traitement [OX, 5-FU, Erbitux (ER), méthylprednisolone (MP) et morphine sulfate (MO)] associée à de la fièvre, des douleurs, et l’apparition de pétéchies.

Biologie : 12h après le traitement, la numération plaquettaire était à 1 G/L, nécessitant une transfusion plaquettaire associée à une forte dose de dexaméthasone (DM). Un troisième cycle de traitement a engendré les mêmes symptômes.

Une recherche d’anticorps anti-glycoprotéines plaquettaires a été réalisée par deux méthodes : la technique de référence « MAIPA » (monoclonal antibody-specific immobilization of platelet antigens) et par cytométrie en flux « Luminex ». Les tests se sont avérés positifs uniquement en présence d’OX et de MP dans les tampons utilisés pour les deux méthodes. Les anticorps médicament-dépendants identifiés ciblaient spécifiquement les molécules GPIIbIIIa situées à la surface des plaquettes, expliquant la thrombopénie profonde du patient. Des anticorps anti CD36 ont également été identifiés : cette molécule est exprimée à la fois par les plaquettes et par les monocytes, d’où la monocytopenie par ailleurs observée chez le patient.

Sur la base de ce diagnostic biologique, l’OX a été substituée par l’Irinotecan (IR), et la MP par la DM, évitant ainsi une nouvelle thrombopénie profonde du patient lors des cycles de traitement qui ont suivis.

Figure 1: Numération plaquettaire (trait continu) et ratio monocytes/PMN (trait pointillé) au cours des cycles de traitement. Les molécules administrées sont renseignées au-dessus du graphique. Plt : transfusion plaquettaire. IVIg : immunoglobulines polyvalentes.

Figure 1: Numération plaquettaire (trait continu) et ratio monocytes/PMN (trait pointillé) au cours des cycles de traitement. Les molécules administrées sont renseignées au-dessus du graphique. Plt : transfusion plaquettaire. IVIg : immunoglobulines polyvalentes.

Référence : Oxaliplatin and methylprednisolone-induced thrombocytopenia and monocytopenia, due to anti GPIIb/IIIa and anti-CD36 antibodies in a patient with colorectal cancer. Laurichesse et al., Clinical Colorectal Cancer, sous presse.

 

Anémie hémolytique immunologiques liée à des anticorps médicament-dépendants

Contexte : exploration, au laboratoire d’IHE de l’EFS de Rennes en collaboration avec le laboratoire IHE de l’EFS Ile De France, d’une anémie hémolytique chez un patient traité par chimiothérapie FOLFOX (Oxaliplatine (OX), acide folinique, 5-fluoro-uracile) – VECTIBIX (panitumumab) dans le cadre d’un adénocarninome différencié moyen du rectum.

Le patient répond correctement au traitement malgré une réaction d’allure immunoallergique de type fièvre et frissons survenant dans les 4 à 6 heures après la perfusion d’OX associée à des signes d’ictère clinique (urines foncées, selles de stomie décolorées) et biologique (hémoglobine 11.4 g/dl, haptoglobine <0.10 g/L, LDH 1119 UI/L, bilirubines totale et directe 153 mol/L et 10.8 mol/L respectivement) régressifs en quelques jours.

Biologie : l’Examen Direct à l’Antiglobuline très fortement positif 3+ en IgG et en C3d, avec une élution révélant la présence d’un auto-anticorps sans spécificité courante. Cet auto-anticorps est également retrouvé à la RAI avec une pan-agglutination 1+ homogène sur hématies natives et 3+ sur hématies papaïnées avec un témoin autologue positif 2+. La recherche d’agglutinine froide est négative.

La chronicité des évènements hémolytiques rythmés par les chimiothérapies et de régression rapide associée aux résultats du bilan IHE fait suspecter le diagnostic d’anémie hémolytique immunologique (AHI) d’origine médicamenteuse. L’exploration est confiée au laboratoire IHE de l’EFS IDF, site de St Antoine, spécialisé dans la recherche d'anticorps anti-médicaments. Le sérum du patient est fortement réactif vis-à-vis des hématies en présence d'OX et un titre d'anticorps anti-OX de 512 est obtenu avec le médicament testé à 1mg/ml ce qui pose le diagnostic d’AHI d’origine médicamenteuse et contre-indique l’administration d’OX chez ce patient.

Ainsi dans un contexte d’anémie avec un syndrome hémolytique, il est primordial de différencier une anémie hémolytique auto-immune d’une anémie hémolytique médicamenteuse afin de mettre en place la thérapeutique adaptée.

 

Pour vous abonner à la newsletter du LBM, contactez nous à cette adresse : lbm-bretagne@efs.sante.fr